Bilan lecture - Août 2021
Après ma désormais traditionnelle relecture d'un roman de Robin Hobb, Royal Assassin en août (vous pouvez retrouver mes posts sur Instagram avec le mot-clé #OneHobbAMonth), j'ai attaqué un mois de lectures assez variées en termes d'origines des auteurices puisque j'ai lu de livres venus, comme d'habitude, de France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis, mais aussi du Chili et de Russie. A la clé, un potentiel coup de cœur, de jolies découvertes, une déception et une lecture pas si déconcertante que cela...
Royal Assassin, de Robin Hobb · 1996
A chaque fois que je relis ce livre, et ça fait 4 ou 5 fois, je me demande pourquoi je m'inflige toute cette douleur à nouveau. Robin Hobb n'est pas tendre avec ses personnages. Elle les pousse à leurs limites, et encore au-delà, tout en gardant son histoire fermement dans sa poigne. Car elle est aussi une maîtresse conteuse, et une reine de l'écriture des personnages. Je reviens encore et toujours à ses livres car ils n'ont pas leur pareil pour m'immerger dans leur monde. Je connais Fitz, je connais le Fou, par un sens plus profond que les mots. Leurs conversations dans ce volume me ravissent au plus haut point. Oui, il y a aussi l'un des personnages que je hais le plus dans toute la littérature, mais il y a également des amitiés fabuleuses entre personnes de tous les genres. C'est une vérité universellement acceptée que la famille trouvée est mon topos préféré, et j'ai comme l'impression que je suis vraiment tombée sous son charme pour la première fois avec cette série.
TW : mort d'un enfant, suicide, ptsd, torture, violence.
(Image du tome 1 pour limiter les révélations.)

Tilly and the Bookwanderers, Pages & Co. Vol. 1, d'Anna James · 2018
Tilly est une jeune fille très vive de 11 ans qui vit avec ses grands-parents, les propriétaires de Pages & Cie, la librairie familiale. Tilly a l'habitude de passer son temps à lire, pas à rencontrer ses personnages préférés en chair et en os. Mais Tilly est une "bookwanderer" (une librovoyageuse, selon ma propre traduction) : elle peut voyager à l'intérieur des livres et inviter leurs personnages dans son monde. Peut-être que la vérité sur la disparition de sa mère est cachée dans un livre...
J'ai lu cette histoire toute douce pour des recherches personnelles, et je l'ai trouvée charmante. Une histoire réconfortante pour les jeunes bibliophiles, qui célèbre l'amour des livres sous toutes leurs formes - l'un des personnages secondaires est dyslexique et préfère les livres audio : j'ai trouvé que c'était un détail bienvenu.

Comment écrire de la fantasy et de la science-fiction, d'Orson Scott Card · 1990 (2006)
Ce manuel d'écriture est un mélange d'idées très vagues et de conseils très spécifiques sur l'écriture de l'imaginaire. Je n'ai jamais rien lu de cet auteur auparavant, je savais seulement qu'il était célèbre, mais après avoir fini ce petit volume j'ai fait quelques recherches, et à la lumière de ses opinions je ne lirai pas d'autre livre de sa plume. Ne craignez pas de passer à côté : les conseils les plus utiles sont repris ici et là. Par exemple, c'est Mary Robinette Kowal qui m'a introduite au quotient MIPE, dans une masterclass disponible sur YouTube. Ce quotient est un outil très pratique pour avoir une vue d'ensemble des histoires que l'on écrit.
Y a-t-il un conseil d'écrivain.e qui a changé votre approche de l'écriture?

Effet de réseau, de Martha Wells · 2020
Le cinquième volume du Journal d'un AssaSynth est tout aussi efficace que les précédents. Celui-ci est beaucoup plus épais, autour de 400 pages, mais Martha Wells arrive à maintenir le rythme de ses novellas en fournissant des pics de tension à intervalles réguliers pour s'assurer de l'attention des lecteurices. Notre cyborg préféré rencontre des défis de plus en plus grands, certains d'ordre émotionnel. J'étais parfois perdue dans certains détails du scénario, mais la progression globale de l'histoire était toujours claire. Il y avait de superbes idées dans ce volume, des retournements de situation à la fois inattendus et parfaitement raccord avec l'atmosphère de la série.
Rep : personnage agenré, aromantique et asexuel, personnages secondaires queer.

Magic Charly, d'Audrey Alwett · 2019
Kiki la Petite Sorcière rencontre Terry Pratchett dans ce roman de fantasy jeunesse mettant en scène une grand-mère magique qui a perdu la mémoire, un jeune garçon noir qui découvre ses pouvoirs, et une sorcière maligne qui est là incognito.
Ce livre est un enchantement. Il faut dire que lorsqu'un prologue annonce la couleur avec de la pâtisserie et un grimoire, il a toute mon attention. J'ai pris beaucoup de plaisir à suivre les aventures de Charly, et j'ai été honnêtement surprises par certaines révélations qui ont apporté beaucoup de profondeur à l'histoire. Et un point bonus pour un casting merveilleusement divers!
Rep : adolescent noir, magicien asiatique.
TW: mort d'un enfant.

Lady Astronaute, de Mary Robinette Kowal · 2018
J'ai découvert Mary Robinette Kowal grâce à une masterclasse sur l'écriture de nouvelles qui m'a beaucoup aidée. Je n'avais encore rien lu d'elle, donc quand ma bibliothèque municipale a ajouté ce recueil à son catalogue, je l'ai emprunté en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Les histoires de ce recueil prennent place après la trilogie commençant par Vers les Etoiles, mais elles peuvent se lire indépendamment. La plupart se passent sur Mars dans les années 1970, après sa colonisation par les humains, donc d'une certaine façon on pourrait les considérer comme des uchronies. C'est un recueil qui pourrait plaire à des lecteurices peu habitués à la science-fiction, car il s'attache plus aux humains qu'à la technologie.
TW : maladie en phase terminale.

Les Tambours du Dieu Noir et L'Etrange Affaire du Djinn du Caire, de Phenderson Djèlí Clark · 2016/2018
Les éditions L'Atalante publient en un seul volume deux novellas de Phenderson Djèlí Clark. Je veux commencer par féliciter Mathilde Montier, la traductrice, qui a fait un travail remarquable, en particulier sur le premier texte, dans lequel elle transpose la façon tout à fait unique qu'on les personnages de parler, et la prose foisonnante de Clark.
La première histoire, Les Tambours du Dieu Noir, nous emmène dans une Nouvelle-Orléans balayée par des orages. Une jeune orpheline y est témoin d'une conversation qui la plonge dans toutes sortes de problèmes, y compris la menace de la colère d'un dieu noir. Dans L'Etrange Affaire du Djinn du Caire, une femme détective tombe sur un cadavre inhabituel et des symboles mystiques qui cachent une conspiration complexe et métaphysique.
Ces deux histoires déploient des mondes très détaillés, riches en imagerie, dans des uchronies qui rebattent les cartes de l'humanité d'une façon nouvelle et fascinante. Les deux se passent au tournant du 20e siècle et mettent en scène des personnages féminins très affirmés. La première, à la Nouvelle-Orléans, m'a demandé un effort pour trouver mes repères dans la construction du contexte historique. La deuxième m'a embarquée immédiatement, et j'en aurais lu beaucoup plus avec plaisir (ce que je devrais être capable de faire avec Le Mystère du Tramway Hanté et A Master of Djinn, un de ces jours).

La Cité des Dieux Sauvages (La Ciudad de las Bestias), d'Isabel Allende · 2003
Voici un livre qui aborde des sujets ô combien importants, mais d'une manière qui ne m'a pas plu. La Cité des Dieux Sauvages célèbre la forêt amazonienne et ne cesse d'alerter sur la façon dont elle est traitée et combien il est essentiel de la sauver, ce qui est tristement toujours pertinent presque vingt ans après que ce livre ait été publié. Pour ce faire, l'autrice écrit un roman d'aventure jeunesse / ado à propos d'un Californien de 15 ans affublé d'une grand-mère excentrique, qui (l'adolescent) se révèle être une sorte d'élu et va sauver les autochtones. Voilà un exemple du cliché du Sauveur Blanc, dans lequel un étranger sauve les locaux reconnaissants, au point qu'il est initié à leur culture. Cela ne m'a pas plu.
Pour ce qui est du style d'écriture, la narration était tellement détachée (trop dans le "dire" et pas assez dans le "raconter") que je n'ai ressenti aucune empathie pour les personnages et j'ai eu du mal à croire ce que je lisais. Il y a aussi le problème qu'en France, ce livre est publié au rayon "Adultes", alors qu'il sonne très "Jeunesse", et pas forcément en bien : il y a beaucoup de répétitions et de clichés.
J'espérais profondément adorer ce livre, ce qui m'a d'autant plus frustrée. C'est probablement parce que depuis que j'ai repéré ce volume dans la bibliothèque familiale des années auparavant, je m'en suis construit une image mentale qui n'avait aucune chance de correspondre au livre. Je ne peux pas m'empêcher de penser que depuis la publication de La Cité des Dieux Sauvages, la littérature jeunesse a évolué et ne s'écrit plus de la même manière. Les livres classés ainsi que j'ai lus récemment étaient malins et entraînants, alors que celui-ci sonnait plutôt comme un sermon assez condescendant envers les habitants de la forêt amazonienne.
TW : colonisation, appropriation culturelle, mort, génocide, armes à feu.

Vita Nostra, de Marina et Sergueï Diatchenko · 2007 (2019)
Ce livre m'a paru être un deux-en-un. D'un côté, c'était l'histoire fascinante et fantastique d'une jeune femme qui s'inscrit dans une école pas tout à fait de son plein gré, et qui y trouve sa propre vérité. De l'autre, c'était un étalage de lycéens absolument insupportables, aveuglés par les injonctions sociales et les préjugés. Cela m'a rendue mal à l'aise, en me rappelant mes propres années lycée. J'aurais aimé que les personnages soient plus nuancés pour faire écho à la belle complexité de la moitié principale de ce roman, qui décrit une institution mystérieuse et ce que l'on y enseigne. Cette part de l'histoire avait une dimension onirique qui était tout à fait intrigante!
PS : je n'ai pas trouvé la moindre trace de représentation, mais je ne sais pas quel est le point de vue sur la question en Russie donc je vais éviter les conjectures.
TW : relation toxique, humiliations diverses (en particulier tournées vers l'activité sexuelle ou son absence). Moindre TW pour de la violence sexuelle (mentionnée mais pas décrite).

Pour des avis plus fréquents sur mes lectures, je vous invite à aller faire un tour sur mon compte Instagram (il n’est pas obligatoire de s’inscrire) : https://www.instagram.com/mariebreta/.
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