Juillet m'a réservé plusieurs belles découvertes, mais aussi un énorme coup de gueule. Tout est question d'équilibre, j'imagine.
The Diviners (Les Devins), de Margaret Laurence
Voici un livre qui attendait depuis des années sur mon étagère. Je l'ai découvert en cours de traduction pendant ma licence. J'avais adoré l'extrait sur lequel on avait travaillé, et notamment le style de l'autrice, alors j'avais acheté le livre d'occasion. J'avais essayé de le lire une première fois mais n'avais pas dépassé les premières pages. Je l'ai laissé reposer, presque oublié, jusqu'à cette année. Le deuxième essai a été le bon. Une fois de plus, je suis tombée sous le charme de la plume de Margaret Laurence. Elle a une façon de décrire la rivière qui coule le long de la maison de sa protagoniste à plusieurs reprises dans le livre qui m'a attirée et m'a fait prêter attention aux petits détails qui changeaient à chaque fois.
Le livre suit Morag Gunn, une écrivaine d'âge moyen qui vit dans une région plutôt isolée du Canada. Son histoire est racontée en instantanés qui entrecoupent le flot de ses pensées. Je ne suis pas une grande amatrice de romans qui retracent toute la vie d'un personnage, d'habitude, mais ici j'ai adoré sa voix, parfois très littéraire et à d'autres moments complètement terre-à-terre. Les différents personnages qu'elle croise sont tous fouillés, et j'ai trouvé que l'autrice évitait brillamment tout cliché.
En terme de représentations, on croise un personnage secondaire indigène, et un personnage important de l'histoire est métis.
Les Enfants de Húrin, de J.R.R. Tolkien, édité par Christopher Tolkien
Parlons Tolkien, pour changer! Vous sentez-vous intimidé.e par Le Seigneur des Anneaux? Je ne peux pas vous en vouloir. Avec en moyenne 1200 pages, c'est un long voyage à entreprendre. A la place, je vous suggère de commencer avec Les Enfants de Húrin, pour avoir un bon aperçu du style de Tolkien hors de ses livres pour enfants.
C'est un conte tragique qui se déroule des siècles avant les évènements du Seigneur des Anneaux. On y suit Túrin et sa sœur Niënor, fuyant leur destin à travers les vastes étendues de la Terre du Milieu. Il y a des Elfes, des Nains, et même un dragon. Le premier chapitre vous semblera peut-être peu évident avec tous les noms qui y sont évoqués, mais le récit trouve vite son rythme et vous aurez sûrement la chance de profiter des superbes illustrations d'Alan Lee pendant votre lecture. Il a fourni à la fois des aquarelles pleine page et des en-têtes de chapitre au crayon, et l'ensemble vous accompagnera tout au long de l'histoire.
Le Chevalier, de Pierre Pevel
Attention, chronique en colère à suivre.
Pierre Pevel est un célèbre écrivain français de SFFF (science-fiction, fantasy, fantastique) qui a reçu plusieurs prix littéraires. Dans Le Chevalier, il raconte l'histoire de Lorn Askariàn, un jeune chevalier prometteur, meilleur ami du prince, sa chute et son retour en grâce. Lorn avait été emprisonné à tort dans la prison la plus terrible du royaume, où un sombre pouvoir rend les prisonniers et les geôliers fous. Quand il est libéré après un cauchemar de trois ans, on lui confie la tâche de protéger le royaume qui a précipité sa chute.
Pierre Pevel invente un monde où les hommes chevauchent des dragons, mais pas un monde où les femmes seraient considérées. En parallèle de l'histoire, il sous-entend que les femmes n'ont aucune place d'importance dans son univers. A la fin de ma lecture, j'avais des dizaines de passages soulignés dans lesquels l'auteur commente un personnage féminin, mais il n'allait jamais plus loin que ça. Un commentaire. Il ne s'agirait surtout pas de les considérer comme des protagonistes à part entière. Pierre Pevel n'envisage jamais la diversité que le mot "femme" implique, et certainement pas la diversité physique puisque chaque description s'arrête à la mention qu'elle est belle. Ou jolie. Ou mignonne. La reine, par exemple, est décrite comme étant "encore belle" (sous-entendu, elle n'est plus dans sa première jeunesse mais heureusement elle est encore désirable par un homme). Elle est détestée de tous et son autorité est constamment remise en cause. Sans compter qu'elle est secondée par un conseiller, bien sûr, car elle ne pourrait décemment pas régner seule. Seul un roi le peut.
Les femmes chez Pierre Pevel sont régulièrement victimes de viol, mais si l'une d'entre elles demande de l'aide, ce n'est pas pour obtenir justice, c'est pour retrouver son mari qui a quitté le domicile furieux en apprenant le viol.
Pour de la fantasy avec des dragons, lisez plutôt Les Cités des Anciens de Robin Hobb, Le Prieuré de l'Oranger de Samantha Shannon, Les Enfants de Húrin de Tolkien. En fait, lisez tout plutôt que Le Chevalier de Pierre Pevel. En français, mais sans dragons, lisez Les Fiancés de l'Hiver de Christelle Dabos, Les Jardins Statuaires de Jacques Abeille, Janua Vera de J-P Jaworski (mais pas Gagner la Guerre), le tome 1 de L'Enfant de Poussière de Patrick Dewdney (tome 2 décevant pour moi).
The Raven Boys, de Maggie Stiefvater (Glendower - Tome 1 : La Prophétie de Glendower)
Ce livre a été une bouffée d'air frais. Le Chevalier (voir ci-dessus) m'a fait remettre en question toute l'industrie du livre (ou presque). A l'inverse, The Raven Boys m'a offert des personnages masculins qui faisaient des erreurs, mais qui demandaient PARDON et qui APPRENAIENT, devenant ainsi de meilleures personnes. Il y avait un bon équilibre entre personnages masculins et féminins, et tout simplement beaucoup d'émotions. A plusieurs reprises pendant ma lecture, je crois que j'ai arrêté de respirer tout en essayant d'empêcher mes yeux de sauter au bas de chaque page. Parfois, j'avais juste mal compris ce qui se passait dans mon excitation, et l'histoire poursuivait à son rythme tranquille (que j'ai adoré). En d'autres occasions, quelque chose de dramatique se produisait en effet, et mon cœur se remettait en route deux fois plus vite.
J'ai commencé ce livre sans trop savoir à quoi m'attendre. A chaque fois que j'en entendais parler, les gens disaient qu'ils.elles l'avaient adoré (en particulier les personnages), mais ils.elles n'en disaient pas plus sur l'histoire elle-même. Comme mes prédécesseurs.ses, je n'en dirai pas plus sur le contenu.
Quel est le dernier livre qui a fait battre votre cœur plus vite?
Kira-kira, de Cynthia Kadohata (non traduit à ma connaissance)
Kira-kira est un livre semi-autobiographique qui raconte l'histoire d'une petite fille de parents japonais aux Etats-Unis dans les années 1950 et 1960. C'est un très beau livre, qui vous brisera le coeur en vous montrant toutes sortes de problèmes de société comme le racisme, vus à hauteur d'enfant.
Je l'ai fini un soir au lit, et j'ai dû m'asseoir droite pendant les dernières pages pour être sûre d'absorber les mots sans m'endormir (pas à cause du livre mais plutôt de mon niveau d'énergie le soir). Le livre s'est finalement avéré être aussi déchirant que je m'y attendais. Il a clairement été écrit pour des enfants, mais des lecteurs.trices de tous âges pourront s'y retrouver et en retirer quelque chose. J'ai particulièrement aimé la façon dont des observations toutes simples, exprimées avec les mots les plus simples, se transforment en fragments de poésie qui vont droit au coeur. Je ne connais pas assez cette période de l'histoire américaine, mais j'ai trouvé que ce roman nous faisait parfaitement découvrir le quotidien d'une famille d'immigrés japonais dans les années de l'après-guerre. J'ai adoré toutes les références à la culture japonaise, par exemple l'idée de "kira-kira", le "scintillement", que la narratrice encourage les lecteurs.trices à remarquer dans leur propre vie.
A la Recherche du Texte Perdu, de Ricardo Bloch
Voici un livre à la fois amusant et difficile à cataloguer. L'auteur (est-ce vraiment l'auteur? Même ce titre est discutable) a pris la première page d'A la Recherche du Temps Perdu (ou plutôt, la première page de Combray I) et l'a passée par Google Traduction dans 50 mangues différentes. A chaque fois que le texte était traduit une fois, Bloch le repassait en français via Google. Il en résulte 50 premières pages alternatives de la Recherche dans un français approximatif.
Je ne suis pas certaine de saisir l'intérêt du livre, puisque tout le monde peut s'amuser à faire l'expérience de son côté, mais c'est drôle et parfois étrangement poétique.
Pour des avis plus fréquents sur mes lectures, je vous invite à aller faire un tour sur mon compte Instagram (il n’est pas obligatoire de s’inscrire) : https://www.instagram.com/mariebreta/
Qu'avez-vous lu en juillet?
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