Le mois de juillet a commencé avec le début d'un défi lecture - lire un livre de Robin Hobb par mois pour me replonger pendant un an dans les Royaumes des Anciens, en commençant par la série de L'Assassin Royal, un de mes immenses favoris depuis que je l'ai découvert il y a dix ans (vous pouvez retrouver mes posts sur Instagram avec le mot-clé #OneHobbAMonth). Mes autres lectures du mois ont aussi comportées plusieurs séries en cours, de jolies découvertes et un potentiel nouveau favori.
Assassin's Apprentice, de Robin Hobb · 1995
Mon histoire avec la série des Loinvoyants de Robin Hobb a commencé il y a une dizaine d'années, quand mon libraire favori a mis le premier tome entre mes mains. C'était déjà mon libraire favori, mais je ne savais pas encore à quel point je lui serais reconnaissante. L'Assassin Royal est rapidement devenu mon livre préféré de tous les temps (de même que les autres livres de la série).
Il y a quelque chose dans ce livre que je ne trouve nulle part ailleurs, et qui transforme chaque relecture en un retour à la maison. C'est une maison où tout n'est pas parfait, il y a certains membres que je préfère éviter, et parfois je me perds dans des couloirs sombres, mais en son cœur se trouvent des personnages attachants et fiers que j'ai l'impression de connaître depuis longtemps, et des endroits où je suis sûre de toujours trouver un coin douillet.
J'ai d'abord lu la série en français, puis deux fois en anglais quand j'ai mis la main sur les couvertures illustrées par John Howe, et à présent je la relis avec les belles illustrations léchées de Magali Villeneuve. Mais ce n'est pas exactement la quatrième fois que je la lis. Au fil des années, je suis revenue à Robin Hobb quand j'avais besoin de réconfort, pour lire une page ou deux-trois chapitres parmi mes préférés. Quelques lignes suffisaient à m'embarquer et à me faire retrouver cette maison, et même si je ne reconnaissais pas tout le monde et ce que ces gens faisaient là, je retrouvais toujours mon coin douillet où m'installer.
Une chose me surprend toujours : la quantité de signes précurseurs que l'autrice disperse sans que l'on puisse les saisir à la première lecture. L'expérience de relecture est doublement émouvante quand on reconnaît les indices : on sait quelles difficultés attendent les personnages, on s'en souvient avant même que ça arrive, mais on ne peut pas les empêcher de souffrir. Dit comme ça, on dirait que ça fait mal, et c'est pas faux, mais il y a aussi beaucoup de beauté, de lumière et de réconfort à trouver dans ces pages.
TW: abandon, mort d'un animal, harcèlement, deuil, santé mentale, pensées suicidaires. Moindres TW pour alcool, drogues, meurtre, relation toxique, violence.
Cheval de Troie, de Martha Wells · 2019
AssaSynth continue d'explorer l'univers et sa propre identité dans le troisième volume de son journal. Cette série est officiellement ma nouvelle lecture doudou. Jusqu'à récemment, j'ignorais l'existence de la science-fiction douillette, et quand j'ai écrit ma première micro-nouvelle dans ce genre (c'est "Une soupe intergalactique" sur mon blog) je pensais que ce n'était qu'un truc bizarre en partie inspiré de ce que me fait ressentir Becky Chambers (ou plutôt son livre, The Long way to a Small, Angry Planet). Puis Le Mandalorien a débarqué, et ensuite j'ai découvert AssaSynth, et ses aventures me réjouissent. Que dire de plus?
Avez-vous votre sous-sous-sous genre de prédilection? ("sous" étant compris comme un genre de niche, pas un genre inférieur à un autre.)
Down Among the Sticks and Bones, de Seanan McGuire · 2017
Ce deuxième volume de la série Wayward Children est assez différent du premier, qui avait été la définition même d'un livre fantastique et inattendu. Celui-là est beaucoup plus constant et se lit comme un conte. On peut presque entendre une voix off comme dans la série Pushing Daisies ou le film Pénélope, et bien que ce soit un procédé dangereux parce que facilement lassant, j'ai trouvé qu'ici cela fonctionnait très bien.
Down Among the Sticks and Bones fonctionne comme une préquelle à Every Heart a Doorway. On y suit deux personnages important mais secondaires du premier volume et on découvre leur histoire. J'ai beaucoup aimé la façon dont le livre encourageait ses lecteurices à défier les attentes et à tracer son propre chemin de vie. Malgré la distance de la voix off, j'ai quand même trouvé l'ensemble personnel et stimulant.
Rep : couple lesbien avec un personnage gros.
TW : sang, confinement, mort, relation toxique. Moindres TW pour : mort d'un enfant (mentionné une fois), contenu médical, violence, meurtre.
Croc Fendu, de Tanya Tagaq · 2019
Ce récit biographique poétique et cru suit une jeune fille qui grandit à Nunavut dans les années 1970 et 1980. Il mêle des éléments de réalisme magique et flirte souvent avec le fantastique et le spirituel. C'est un texte puissant, qui traite de sujets durs (vérifiez les avertissements ci-dessous) dans une langue très poétique : la moitié des chapitres sont même des poèmes. Par certains côtés, ce livre m'a rappelé The Bone People de Keri Hulme, pour son enracinement profond dans un lieu, pour sa spiritualité, son récit de l'enfance et l'équilibre entre prose et poésie.
C'est un récit déstabilisant, écrit pour être déstabilisant. En tant que femme blanche européenne, je n'ai pas fait l'expérience de ce que Tanya Tagaq tisse dans Croc Fendu, mais j'en suis témoin, j'apprends et je compatis. Une part de mon incomfort tenait aussi aux thèmes effleurés, parfois enfoncés avec un marteau - voir les avertissements.
Rep : femme Inuk queer.
TW: mort d'un animal, sang, horreur corporelle, abus sur mineur, mort d'un enfant, meurtre, pédocriminalité, grossesse, sexe, suicide.
La Prisonnière du Temps, de Kate Morton · 2019
... Ou le livre qui m'a paru durer plus longtemps que tout Le Seigneur des Anneaux. Je préfère commencer par dire qu'il n'y a rien de problématique avec ce livre. Objectivement, il est bon. Les défauts (aussi objectifs que possible) que je lui trouve sont quelques personnages interchangeables (voire inutiles), des explications qui ont l'air sorties d'une fiche Wikipédia, et une atmosphère globale élitiste (être riche c'est bien, être pauvre c'est pas bien).
A part cela, c'est un bon roman à mystère infusé de culture victorienne, avec un large panel de personnages répartis sur différentes époques, du 19e siècle à aujourd'hui. J'ai adoré l'atmosphère préraphaélite et la lenteur des révélations. La plupart des personnages masculins avaient une attitude plus ou moins paternaliste envers les personnages féminins, mais ces dernières étaient fouillées et s'affranchissaient des attentes de genre. J'ai particulièrement apprécié la manière dont Lucy, adolescente du 19e, apprenait à voir les autres pour ce qu'iels sont plutôt qu'à travers le prisme de ses préjugés. Le principal souci que j'ai eu avec ce livre est très personnel. Je me rends compte depuis quelques mois qu'avec ma thèse, mes projets d'écriture, les cours d'anglais que je donne, etc, je n'ai pas vraiment l'espace mental pour des intrigues à tiroir et des personnages à la pelle, ce qui caractérise globalement ce livre. Certains arcs narratifs m'ont sérieusement ennuyée, et j'étais souvent perdue entre les différents noms d'un même personnage (dit celle qui a mis 400 pages à comprendre que Petyr Baelish et Littlefinger étaient la même personne). Et au final, la conclusion m'a beaucoup frustrée. Soupir.
TW : confinement, deuil. Moindre TW : abandon, mort y compris mort d'un enfant (pas décrite textuellement mais mentionnée plusieurs fois), et mort de parents (pas décrite mais un point important de l'histoire).
Le Treizième Conte, de Diane Setterfield · 2006
Quand j'ai décidé d'offrir mon exemplaire de ce livre à une amie, je me suis dit, autant le relire avant de m'en séparer. Doux Eru, j'avais oublié à quel point il était sombre! Mais c'est aussi un livre très élégant pour des raisons que j'ai du mal à identifier.
L'histoire est celle de Margaret, une libraire spécialisée en livre rares qui s'essaie à l'écriture biographique pour des inconnus du 19e siècle dont elle trouve les noms dans des almanachs. Un jour, elle reçoit une invitation très spéciale par la poste : Vida Winter, la romancière la plus célèbre de sa génération, lui demande d'écrire sa biographie après avoir induit les journalistes en erreur sur son passé pendant des années. Il s'ensuit une histoire sur les histoires que l'on se raconte, celles qui nous forment et celles que l'on cache. C'est une étude de personnage très sombre, consacrée à deux femmes touchées par des traumatismes et par le deuil de choses qu'elles ignorent parfois. Mais c'est aussi un hommage fabuleux au pouvoir de la littérature. Attention à la longue liste d'avertissements!
TW : abandon, santé mentale, incendie, relation toxique, abus sur mineur, mort d'un enfant, confinement / internement, mort d'un parent, démence, deuil, inceste, viol, automutilation, maladie en phase terminale.
Stratégie de sortie, de Martha Wells · 2018 (2019)
Ce livre est le quatrième tome du Journal d'un AssaSynth et je n'ai certainement pas envie que la série se termine. Alors que je trouvais le début de celui-ci un peu long et pas aussi impertinent que les autres, bam, l'autrice nous fait don d'un passage profond ou d'une conversation hilarante et me revoilà pleine d'amour pour ces livres. Je suis contente de ne pas me précipiter pour les livres. Avec deux volumes par mois, cela me permet de lire d'autres romans sans tout oublier du scénario étant donné qu'il y a une forte continuité de volume en volume.
Rep : personnage principal asexuel, aromantique et agenré.
TW : violence avec armes à feu. Moindre TW : enlèvement, sang, violence.
Écrire un roman, de Marie Vareille · 2017
Ce livre fonctionne comme un mémo très utile de points à garder en tête pendant toutes les étapes de l'écriture d'un roman : depuis le rassemblement des idées jusqu'à la révision et la publication, l'autrice fournit des récapitulatifs sans bla-bla. Pour mon usage personnel, j'aurais aimé plus de détails, mais dans l'ensemble je pense que ce livre peut s'avérer utile pour des écrivain.e.s débutant.e.s.
Les Oiseaux du Temps, d'Amal El-Mohtar and Max Gladstone · 2019
Rouge et Bleu se pourchassent à travers le temps et l'espace, semant des lettres et un désir très poétique dans leur sillage.
Ce livre est une extase. C'était tout ce que je souhaitais qu'il soit, de la part d'une lectrice qui adore les histoires de voyage dans le temps mais pas forcément les complications ou les labyrinthes mentaux que cela peut créer. Dans Les Oiseaux du Temps, vous trouverez une prose superbe, qui tord parfois la narration pour la beauté du geste, une correspondance bouillonnant d'émotions, esquissée sur toutes les surfaces disponibles, et des agents temporels avec un motif mais aussi un coeur.
TW : mort (champ de bataille), mort d'un animal (chasse), contenu médical.
Beneath the Sugar Sky, de Seanan McGuire · 2018
Les Enfants Égarés sont de retour pour une nouvelle aventure dans la série de Seanan McGuire. Celui-ci suit directement la chronologie du premier, après le retour en arrière du tome 2. J'étais très contente de retrouver une équipe au cœur de l'histoire, ce que McGuire écrit très bien. Il y a un dynamisme fou dans les dialogues entre des personnages qui font preuve de beaucoup de respect et de considération envers les uns les autres. Le panel de représentations est à même de réjouir tous les cœurs. Donner le moindre indice sur l'histoire serait gâcher la surprise du tome 1, donc je me contenterai de dire que si vous avez aimé Every Heart a Doorway (Les Portes Perdues), vous devriez apprécier tout autant Beneath the Sugar Sky.
Rep : personnages gros, handicapés, trans, noirs et asiatiques.
TW: grossophobie, racisme.
Pour des avis plus fréquents sur mes lectures, je vous invite à aller faire un tour sur mon compte Instagram (il n’est pas obligatoire de s’inscrire) : https://www.instagram.com/mariebreta/
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