Bilan lecture - Octobre 2023
Octobre a commencé sur des jambes un peu flageolantes, avant de livrer deux nouveaux grands favoris et plusieurs livres excellents. J’ai alterné entre deux défis lecture différents, le #PumpkinAutumnChallenge et mon propre #LisonsCettePaL. Certains livres ont compté pour les deux, mais pas tous.
A Fire Born of Exile, Aliette de Bodard · 2023
Livre reçu via NetGalley.
Où je vous recommande un livre que j’ai abandonné. Ne partez pas!
Ce roman de SF vigoureusement féministe et queer remplit totalement le contrat qu’il propose. C’est fun, mais avec de la profondeur et un world-building intriguant. J’ai adoré la manière dont l’autrice mêlait la culture vietnamienne à ce futur lointain, en particulier avec sa gestion des pronoms.
La raison pour laquelle j’ai arrêté ma lecture à 25% de progression est entièrement due à mon cerveau fatigué, et rien d’autre. Je n’arrivais pas à suivre qui était qui et ce qui se passait, mais je suis certaine que des amateurices de SF n’auront pas de problème à suivre ces personnages attachants et leurs aventures. J’ai adoré le fait qu’Aliette de Bodard mette en scène des personnages jugés âgés. Toustes les pilotes de robots n’ont pas à avoir 18 ans, après tout. Je lève mon verre à la fiction de genre portée par des personnages dans la force de l’âge.
J’ai fermement l’intention de revenir à ce livre quand j’aurai plus d’espace mental pour lui. En attendant, je le recommande à des lecteurices qui apprécient une aventure menée tambour battant mais centrée sur les personnages, avec un monde bourré de détails qui invite les personnages à remettre en question leurs perceptions.

History of the Rain, Niall Williams · 2014
Voici un livre étrange, que j’aurais bien du mal à résumer. J’ai envisagé de l’abandonner plusieurs fois, et ne l’ai fini que parce que je sentais pointer la panne de lecture et je ne voulais pas qu’elle ternisse une future lecture.
Pendant la plus grande partie de ce livre, je nageais en pleine confusion. C’est une histoire entremêlée, qui saute dans le passé et dans le présent de la narration, si bien que je savais rarement quand je me trouvais, et avec qui. La prose était un peu excentrique et imaginative, ce que j’aime, mais au début je trouvais le style un peu forcé. Puis, vers la fin, les choses ont commencé à trouver leur place dans ma tête et, peut-être parce que le récit s’est fait plus linéaire, j’ai réussi à atteindre la fin.
History of the Rain est un roman sur la narration, les histoires, l’amour pour les livres et l’héritage des livres. C’est une histoire toute en méandres, dans laquelle on risque parfois de s’embourber, comme les personnages dans la campagne irlandaise où se passe le récit.
Je le recommande quand même, parce qu’il se démarque quand même par sa beauté particulière et plaira aux lecteurices qui connaissent leurs classiques et n’ont pas peur d’être détournés de la chronologie narrative habituelle.
J’ai remarqué un certain nombre de jolies tournures à citer, mais je n’ai pas pris le temps de les noter car j’étais fort occupée à prendre mes marques dans ce livre. Soyez prévenu.e.s, c’est une histoire très triste (jetez donc un oeil aux avertissements de contenu et demandez-moi si vous avez besoin de précisions), bien que cette foi profonde en la littérature apporte une note d’espoir et un peu de lumière.
AC : guerre, deuil, mort d’un membre de la famille, incendie, maladie terminale.

Honey Girl, Morgan Rogers · 2021
Grace Porter a toujours eu un but, et celui-ci est désormais atteint. Doctorat en main, elle est prête à s’engager dans l’étape suivante de son parcours. Mais à quoi cela va-t-il ressembler? Et combien de sacrifices va-t-il falloir continuer de faire pour gagner la fierté de son père et le respect de ses collègues blancs? Le soir où elle part célébrer à Las Vegas avec ses plus proches amies, finir mariée à une inconnue ne fait clairement pas partie du plan. Ou peut-être que si?
Ce roman venu du cœur est tendre et plein d’aspiration. J’ai été complètement charmée par Grace et sa famille trouvée. Certes, je me suis dit parfois que rencontrer tant de personnages attachants ne ressemblait pas à la vraie vie. Mais aucun de ces personnages n’est sans défaut : chacun est douloureusement humain.
Le parcours de Grace a résonné en moi. Bien évidemment, je ne connais pas les difficultés qu’elle a rencontrées en tant que femme noire et queer dans un environnement scientifique peuplé d’hommes blancs. Mais je connais ce sentiment de solitude et d’errance, quand on touche au but d’un doctorat à 29 ans rongée par le sentiment que les autres personnes ont eu le temps de trouver leur place et commencer leur vie alors qu’on a la tête dans la théorie.
La poésie au cœur de la prose de Morgan Rogers m’a charmée. En tant que lectrice, j’ai tendance à fuir les romances, mais celle-ci m’a parue à la fois réelle et douce, et la volonté de ces deux femmes de faire fonctionner leur mariage inattendu m’a touchée. Qui aurait cru qu’une romance contemporaine finirait sur mon podium des livres de 2023?
Rep : PP noire et lesbienne. Personnage secondaire asiatique et lesbienne. Le casting est queer et divers.
AC : dépression, santé mentale, racisme, mention d’auto-mutilation et de crises de panique.

Les Portes de l’Envers, collectif · 2023
Isekai. Derrière ce concept japonais se cache le thème du passage d’un monde à l’autre, qui constitue le cœur de ce recueil de nouvelles. Tous les protagonistes mis en scène ici viennent du monde que nous connaissons, et trouvent par hasard ou par coup du destin, un portail vers un ailleurs. La variété des nouvelles présentées ici met tout résumé au défi, mais on passe d’un genre à l’autre depuis la fantasy vers la SF en passant par le western ou l’horreur existentielle. Oui oui. Il y a des textes doux, d’autres drôles, et d’autres encore qui tirent les larmes ou qui suscitent une peur immodérée des escaliers.
On pourrait dire que je ne suis pas objective face à ce recueil étant donné que j’y publie un texte, “Peindre les abricotiers en fleurs” ou PAF pour les intimes. Mais je n’ai pas contribué à la sélection des nouvelles de mes co-auteurices et j’aurais très bien pu ne pas apprécier leurs productions. La vérité, c’est que chaque nouvelle trouve sa place parmi cet ensemble, et donne à voir une autre facette de ce thème qui paraît éculé mais recèle encore bien des surprises.
Je me suis souvent trouvée émue, mais je crois que ce que je préfère, c’est constater la différence parfois radicale de réception d’un.e lecteurice à l’autre. Là où un membre de l’équipe a avoué avoir ressenti cette horreur existentielle que je mentionnais plus haut, j’ai au contraire ressenti de la douceur, et une étrangeté qui n’était certes pas forcément confortable mais portée par une langue si belle qu’elle en devenait hypnotique.
Au-delà du fait que j’ai un intérêt dans ce livre, je vous recommande vivement de vous plonger dans la diversité des voix qui le composent et qui promettent des voyages tous plus différents les uns des autres, de l’autre côté des Portes de l’Envers.
Les avertissements de contenu pour chaque nouvelle sont détaillés à la fin du livre.

Legendborn, Tracy Deonn · 2020
Bree vient de perdre sa mère quand elle entre dans un programme spécial qui lui ouvre les portes de l’université avec sa meilleure amie, avant l’âge requis. Comme si le deuil et cette nouvelle vie ne suffisaient pas à la tenir occupée, elle est témoin d’une attaque par des créatures qui ne sont clairement pas humaines. Soudain, les frontières de son monde s’ouvrent. Elle découvre des secrets qui courent sous la surface de ce qu’elle connaissait, et se trouve impliquée dans une société secrète très blanche, au sein de laquelle elle doit se battre pour prouver une légitimité dont elle n’est elle-même pas certaine.
Ce résumé très bancal ne révèle pas la moitié de ce qui rend ce roman palpitant. Bien que je ne sois pas attirée par les histoires de créatures qui menacent le monde, la manière dont Tracy Deonn joue avec ces tropes est remarquable. L’arc narratif de Bree, qui parle de résilience, de deuil et de condition noire, est entrelacé avec ce récit haletant qui ne m’a pas fait lâcher le livre. Il tire son inspiration de thèmes très anciens (légendes arthuriennes, histoire des Noirs dans les Etats du Sud des Etats-Unis) et jette sur eux une lumière très moderne. Ce livre est certes plus “dark” qu’”academia”, mais j’ai apprécié les pivots très bien amenés où Bree découvrait des vérités cachées sur le passé et les histoires familiales. Un de mes éléments préférés a été l’équilibre entre cette société très patriarcale, blanche et masculine, au pouvoir politique indéniable, et l’héritage du pouvoir noir transmis par les femmes de génération en génération. La façon dont tous ces fils se rassemblent entre les doigts de Bree était extrêmement satisfaisante d’un point de vue narratif, et très touchante. Ce roman ne m’a peut-être pas captivée dès les premières pages, mais la vitesse à laquelle j’ai dévoré les derniers chapitres montre bien son efficacité.
Rep : héroïne noire, personnages secondaires variés au sein du spectre LGBTQIA+, notamment un personnage non-binaire.
AC : racisme, référence rapide à HP, esclavage, violence, stress post-traumatique, deuil, mention d’agression sexuelle.

Mémoires de la Forêt, Mickaël Brun-Arnaud · 2022
Archibald Renard is a special bookseller. As well as being a fox, he welcomes in his shop one-of-a-kind volumes, handwritten by their authors and waiting for their one reader. When Ferdinand Taupe enters the bookshop, he’s not looking to buy a book, but to find the one he once entrusted to Archibald. Ferdinand is afflicted by the Forget-All disease, and only his book will enable him to open the door to his memories. Then, Archibald has no choice but to accompany him on his quest.
This gorgeous middle-grade novel deals with incredibly difficult topics with a tremendous amount of heart. When my eyes got misty at page 50, I knew I was in for an emotional journey, and I wasn’t disappointed. This book will break your heart and patch it up again, but it will leave cracks. The subtle prose does wonders with the characters’ emotions and kindles similar emotions in the reader’s heart. Bright, autumnal illustrations go hand-in-hand with this heartfelt tale. There is so much to love about this book.
CW: grief, Alzheimer’s disease, depression, fire, abandonment, death of a parent, mention of bullying.

Le Commencement de Nulle Part, Ursula K. Le Guin · 1980
Ce court roman déconcertant est construit autour du thème du portail entre deux mondes. L’autrice y joue avec le thème des voyageurs de Faerie qui font l’expérience d’une temporalité différente et se retrouvent piégés dans un entre-deux, incapables de rester dans le monde féérique, mais de moins en moins chez eux dans leur monde de départ. A moins que la solution ne se trouve plus loin dans le monde secondaire?
Je n’ai décidément pas de chance avec les romans d’Ursula K. Le Guin. J’avais été déçue du premier tome de Terremer (mais je suis très motivée pour m’y remettre), n’avais pas accroché aux Dépossédés et me voilà déconcertée par celui-ci, que je n’ai pas compris. Heureusement que La Main Gauche de la Nuit est un de mes romans de SF préférés!
Le Commencement de Nulle Part est un roman minimaliste est pour le moins contemplatif, ce que j’ai plutôt tendance à rechercher. N’y cherchez pas d’action, de quête et encore moins de conflit, ici ce sont deux personnages un peu perdus qui se rencontrent, souvent vus à travers les yeux de l’autre, et qui apprennent à se faire confiance. J’ai trouvé la narration un peu trop détachée, cependant, et malgré le peu de narration, j’avais ce sentiment constant de ne pas comprendre ce qui se passait. Ce n’est donc pas une expérience concluante pour moi, mais ce roman pourra plaire aux lecteurices qui aiment les romans plus expérimentaux, et surtout qui prennent leur temps.
AC : violence domestique, mention de violences sexuelles.

The Manor House Governess, C.A. Castle · 2023
Livre envoyé par @alcovepress via @NetGalley en échange d’un avis honnête.
La vie de Bron a toujours infusé dans les classiques, en particulier la littérature anglaise du 19e siècle. La lecture l’a aidé pendant ses années d’internat, et à présent il est prêt à faire vivre ses fantasmes de Jane Eyre en acceptant un poste de tuteur pour une jeune fille dans un manoir de Cambridge. Bron, une personne genderfluide utilisant des pronoms masculins, a toujours ressenti une proximité plus grande avec les héroïnes de ces livres, d’où le titre de “gouvernante” qu’il s’approprie pour ce rôle. Mais il ne s’attend pas à ce que les nœuds de secrets qui sous-tendent ses romans gothiques préférés l’accompagnent jusqu’à Greenwood Manor.
Voici un premier roman plein de ferveur. L’amour que l’auteur porte à la littérature, notamment les classiques anglais, déborde de chaque page. Pourtant, ce n’est pas un pastiche ou une pâle comparaison, avant tout grâce à Bron, le personnage principal auquel je me suis beaucoup attachée. C’était un privilège de suivre ses pensées secrètes, et j’ai ressenti toute l’importance et la dimension intime que l’auteur associait à ce roman. Certes, certains passages m’ont paru un peu longuets, comme si je me noyais dans les pensées de Bron à la manière dont il s’y noie lui-même. Par moments, j’avais l’impression que l’auteur avait préparé une liste de passages obligés et travaillait dur pour les inclure de manière fluide, mais dans l’ensemble cela fonctionne.
J’ai aimé cette relecture queer de romans populaires. La manière dont elle inclut de nombreux tropes des romans gothiques m’a fait penser aux romances qui suivent souvent la même trame, mais sont quand même dévorées par des milliers de lecteurices. The Manor House Governess me semblait familier du fait de tous les classiques de la culture que nous partageons, et à la fois nouveau grâce à son protagoniste unique et attachant.
Rep : personnage principal genderfluide, personnages secondaires LGBTQIA+.
AC : feu, outing, LGBTphobie, mention de maladie terminale et d’abandon.

Pour des avis plus fréquents sur mes lectures, je vous invite à aller faire un tour sur mon compte Instagram (il n’est pas obligatoire de s’inscrire) : https://www.instagram.com/mariebrunelm/.
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