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Bilan lecture - Mai 2022

Au mois de mai, j'ai terminé mon CDD (celui qui devait durer 2 mois et en a duré 9 - ça a été chouette!). Le calendrier s'est finalement bien arrangé parce que dans les jours suivants, j'ai accumulé pas mal de travail lié à ma thèse pour des projets enthousiasmants qui vont se répartir au fil des prochains mois. Niveau lecture, j'ai fait le plein à la bibliothèque, donc il y a encore principalement de la fantasy française, mais les choses devraient se diversifier le mois prochain.


Un Long Voyage, Claire Duvivier · 2020


Un Long Voyage est un roman étonnament concis, étant donné son titre qui suggère un périple au long cours.


On y découvre Liesse, jeune îlien vendu comme esclave aux colons qui ne pratiquent pourtant presque plus l'esclavage, et qui grandit auprès du gouverneur et de la gouverneuse sa successeuse. Il y subit un racisme informel dû à son usage de la langue, thème qui sous-tend tout le récit et dont j'ai apprécié le maniement. A part cela, j'ai hésité à abandonner ma lecture et seule sa petite taille m'a convaincue de finir ce roman qui dit beaucoup plus qu'il ne raconte. Les scènes sont bien plus souvent résumées que véritablement racontées, et on y trouve peu de détails sensoriels qui m'auraient aidée à plonger dans ce monde pourtant riche d'idées. J'ai aussi rencontré quelques tropes qui me hérissent : le personnage raconte à une amie son parcours de vie, de manière rétrospective, et a une fâcheuse tendance à annoncer les choses avant qu'elles n'arrivent, ce qui me fait systématiquement sortir de l'histoire.


J'ai finalement trouvé la narration très froide et détachée, au point que la mort de personnages proches du protagoniste ne m'a absolument pas touchée, alors que certaines scènes sont manifestement écrites pour susciter l'horreur du lectorat.


Une section du roman m'a marquée : on y change de personnage focalisateur, et on est plongé dans les pensées d'une jeune femme qui découvre un pays hors du temps. Ce court chapitre est entièrement construit sur l'incertitude dans laquelle est plongée la narratrice, et j'ai trouvé qu'il fonctionnait remarquablement bien, au point que j'aurais trouvé plus intéressant de suivre son histoire à elle.


Bref, un roman assez frustrant, mais dont j'ai apprécié la langue chaloupée, cadencée, qui berce tout autant qu'elle invite continuer sa lecture.


CW : guerre, victimes de guerre, racisme, esclavage.


une liseuse montrant la couverture du livre est posé sur des tomes à l'aspect ancien, près d'un bouquet de roses séchées, sur une surface en bois. Il y a un tissu à motif à l'arrière-plan.

Chromatopia, Betty Piccioli · 2020


Un excellent exemple de fantasy pour ados!


Betty Piccioli nous entraîne dans les rues de Chromatopia, où les habitants sont répartis en castes hermétiques selon un système de couleurs rigoureux : la famille royale trône dans son faste pourpre au sommet de la ville, entourée de la noblesse rouge, puis viennent le clergé et les érudits de la nuance orange, les artisans et commerçants de la nuance jaune, les ouvriers, agriculteurs et domestiques de la nuance verte et enfin les classes dites inférieures de la nuance bleue. Mais au-delà de cet arc-en-ciel d'inégalités se cache la nuance noire, une force rebelle qui cherche à précipiter la chute de la monarchie. Trois adolescents se trouvent bien malgré eux au cœur des enjeux : la princesse Améthyste, forcée de choisir un mari et de perpétuer la lignée royale, Aequo, apprenti teinturier, et Hyacinthe, voleuse aguerrie, que sa nuance bleue condamne à une vie de misère.


Ce roman attachant est mené tambour battant, sans que cela ne porte préjudice à la caractérisation ni aux sentiments. Chacun des personnages a une voix forte, bien définie, et un caractère nuancé. J'ai adoré la variété de styles pour refléter la voix des personnages. Malgré le terrain parfois connu de certains tropes, l'autrice parvient sans mal à se les approprier pour nous servir une histoire enlevée qu'il est difficile de refermer tant on a envie de savoir la suite. Une vraie belle découverte! Mention spéciale pour le fidèle Wouf, un chien adorable dont il est de mon devoir de vous dire qu'il n'est pas sacrifié pour faire avancer l'histoire, et termine en parfaite santé.


Rep : 2 des 3 personnages principaux sont de jeunes femmes noires, dont une est lesbienne. Le 3ème personnage principal a un handicap visuel.


CW : classisme, attaque de panique, kidnapping.


le livre est posé sur une table en bois à côté d'une palette d'aquarelle. Quelques pinceaux sont posés sur la couverture.

La Princesse au visage de nuit, David Bry · 2020


Pour continuer mon marathon de lectures SFFF en français, j'ai choisi ce livre en partie pour la couverture, et en partie parce qu'il venait de recevoir un prix. Je l'ai apprécié, mais une fois terminé je n'ai pas très bien compris pourquoi il avait été classé en SFFF alors que c'est à 98% une enquête policière.


Notre personnage principal, Hugo, revient dans son village natal pour assister à l'enterrement de ses parents, morts dans un accident de voiture. Hugo s'était juré de ne jamais revenir - trop de blessures jamais guéries, trop de traumatismes. Et quand il doit prolonger son séjour parce qu'il s'avère que la voiture a été sabotée et c'était non pas un accident mais un meurtre, il n'a d'autre choix que de faire face à ses démons, dont la princesse au visage de nuit, une légende locale considérée comme responsable de la disparition de plusieurs enfants au cour des siècles.


Ce livre est une enquête policière très classique, dans laquelle le protagoniste est lié aux victimes et donc un suspect. C'était prenant et rapide à lire, et j'ai apprécié le décor du village de campagne qui m'a rappelé celui où vivent mes grands-parents. Mais je l'ai aussi lu vite pour arriver au moment où la dimension fantastique se révèlerait... ce qui n'est arrivé qu'à la fin. Donc je ne sais pas trop quoi penser. Je ne l'ai pas détesté, mais d'habitude j'évite les romans policiers à cause des horreurs qui s'y déroulent, et celui-ci n'a pas fait exception. J'aurais beaucoup aimé voir des avertissements de contenu car c'est un roman sombre. Très sombre. Objectivement, il est bon, mais j'aurais aimé qu'il soit identifié plus clairement.


Rep : ce n'est jamais dit, mais Hugo a l'air aro/ace.


CW : accident de voiture, abus sur mineurs, alcoolisme, pédocriminalité, viol, mort d'enfant. Mentions de drogues, tentative de suicide, légère grossophobie.


une main blanche tient un exemplaire du livre devant une bibliothèque.

L'Enterrement des étoiles, Christophe Guillemain · 2022


Quand ce livre a été annoncé, c'est d'abord la couverture d'Abel Klaer, alias @superstarfighter sur Instagram, qui m'a surprise et charmée - je suis l'artiste depuis quelques mois et ne m'attendais pas à voir une de ses œuvres en couverture d'un roman français. J'ai ensuite été intriguée par le peu de détails donnés sur l'intrigue elle-même. Et il s'avère qu'il est effectivement bien difficile de résumer un texte aussi complexe et polyphonique, qui m'a laissée sur le bord de la route. Je n'ai pas réussi à saisir les enjeux, la personnalité des multiples protagonistes, ni les contours d'un monde extrêmement flou mais dont on a de nombreux aperçus comme autant d'éclats de lumière dans une eau vive. Bref, j'ai abandonné ma lecture, déconcertée et frustrée par ce texte indéniablement beau (peut-être trop écrit à mon goût) mais foutraque.


une main blanche tient un exemplaire du livre devant un rideau blanc à motifs gris.


Les Abysses, Rivers Solomon · 2020


Yetu est l'Historienne de son peuple : elle est la dépositrice de leur mémoire pour leur épargner le traumatisme des souvenirs. Car Yetu est une Wajinru, descendante des femmes africaines réduites en esclavage et jetées par-dessus-bord, enceintes. L'océan a sauvé leurs enfants et ceux-ci, devenus sirènes, ont élu domicile dans les abysses. L'histoire s'ouvre au moment de la Cérémonie annuelle du Don, lorsque l'Historienne partage pendant quelques jours sa mémoire avec les autres Wajinrus qui, s'ils n'ont pas oublié leur passé, n'en subissent pas le poids chaque jour de leur vie.


Rivers Solomon compose un chant de résistance entre lamentation, colère et révolte. C'est un texte très puissant, porté par la voix de Yetu, et bien sûr difficile par les thèmes qu'il aborde. Par le biais de la fantasy, Solomon dessine le traumatisme intergénérationnel subi par les Noir.e.s depuis des générations. Le hasard a voulu que je regarde peu de temps avant la série Watchmen, dont un épisode magistral traite également ce sujet.


Rep : personnage principal autiste, noire et queer. Personnage secondaire noire et demisexuelle.


CW : mort, esclavage, racisme, pensées suicidaires, mort d'animal.


une main blanche tient un exemplaire du livre devant un buisson à feuilles sombres et à fleurs blanches.

Le Chant des Cavalières, Jeanne Mariem Corrèze · 2020


Ce titre vous dit quelque chose? J'espère que ce n'est pas seulement parce que je l'ai lu en novembre 2020.


Le Chant des Cavalières incarne ce que je veux voir beaucoup plus dans la fantasy : une histoire épique qui n'est pas portée par des hommes-blancs-hétéro-cisgenres qui respirent la masculinité toxique. Merci.


Ce roman, gonflé par une plume superbe, met en scène un éventail de personnages féminins (mais pas seulement) qui dessinent toute une palette d'humanités variées. L'héroïne tout d'abord, Sophie, qui certes se fait un peu balloter de-ci, de-là, mais qui acquiert au fil du récit une belle indépendance. Celles à qui elle se lie d'une belle et profonde amitié. Puis Eliane la Matriarche, encombrée de complots, et surtout Frêne, l'herboriste vénérable, qui est très clairement une image de moi-même dans quelques années (où as-tu trouvé ta boule de cristal, @jmcorrezeauteurice?).


Le Chant des Cavalières reprend des motifs que l'on croise souvent en fantasy (l'élue, l'épée, les dragons) mais tisse avec eux une trame nouvelle et chatoyante. Il me tardait d'avoir mon propre exemplaire entre les mains pour le faire dédicacer, et c'est chose faite! Je me réjouis de le re-re-lire dans les années à venir, et de le prêter autour de moi (mais seulement à des personnes de confiance). Et surtout, je me réjouis de découvrir le prochain roman de l'auteurice, qui se déroule dans le même univers.


Rep : il n'y a aucun personnage à la fois blanc et hétéro dans ce livre. Tous sont racisés, queer ou les deux, sans que ce soit non plus martelé. Parce que des fois ce n'est pas la peine.


CW : mort d'humains et d'animaux.

une main blanche tient un exemplaire du livre devant un buisson à feuilles sombres.


Moi les hommes, je les déteste, Pauline Harmange · 2020


Ce court essai brûle d'un féminisme retentissant. Il est malheureux qu'affirmer sa misandrie (sa haine des hommes) ait attiré tant de haine à son autrice alors que la misogynie (la haine des femmes) s'affiche sans vergogne partout. Pauline Harmange commence par un constat aussi nécessaire que douloureux : non, la misandrie n'est pas simplement l'inverse de la misogynie, tout simplement parce que la seconde est soutenue par un système complet ancré dans les mœurs et les institutions. A partir de là, difficile de faire autre chose que de hocher la tête au rythme des courts chapitres qui dessinent les contours d'une haine qui s'exprime rarement mais dans le silence de laquelle se déploie un vaste réseau de sororités.


CW : étant donné le sujet, il est souvent (voire constamment) question de sexisme et de violences sexistes et sexuelles.


le livre, posé sur une couverture sombre, est ouvert à la page de titre, dans une lumière mouchetée..


Fool's Fate, Robin Hobb · 2003


Je me suis rendue compte, pendant les derniers chapitres de ce livre, que c'était la première fois que je le relisais après avoir été émotionnellement détruite par la trilogie suivante, Fitz & le Fou. Et j'ai remarqué combien l'autrice avait semé des indices dans ce livre, bien qu'il ait été publié des années avant et qu'elle ait écrit une quadrilogie entre les deux. Je ne divulgâcherai rien ce des livres mais je veux souligner le fait que oui, les romans de Robin Hobb sont un régal à lire (bien qu'on courre le risque d'être émotionnellement détruit.e), mais ils sont aussi un régal à re-lire. Certes, ils ne sont pas remplis d'action à ne plus savoir où donner de la tête (la première moitié de ce tome est même d'une lenteur exaspérante), mais ce sont des leçons d'écriture de personnages. Dans les dernières pages de Fool's Fate, qui clôt la trilogie Tawny Man, j'ai commencé à porter le deuil des personnages. Et maintenant que je l'ai terminé, je suis soulagée à la fois que leurs épreuves soient terminées et qu'ils aient trouvé une mesure de réconfort (même si cette fin continue de me frustrer), et à la fois que je n'aie plus à vivre leur douleur. Tellement. De. Douleur. Et pourtant, tant de beauté.


Rep : PP polyamoureux, PS non-binaire / genderfluid.


CW : mort d'animaux, torture, pensées suicidaires.


une main blanche tient ouvert un exemplaire du livre sur un fond sombre, à côté des deux premiers tomes et d'une bougie.

Le Vieil Homme et son Chat se font les griffes, Nekomaki · 2016


Cette série est rapidement en train de devenir ma lecture doudou n°1. Quoi de plus mignon qu'un papy qui vit sa vie tranquille dans une ville côtière avec son chat? Il y a peu de tension (sauf un peu à la fin de chaque volume, mais ça se finit bien), une attention portée aux petites choses du quotidien, au passage des saisons et aux recettes locales. Le rêve.


CW : deuil.


une vue aérienne d'une couverture blanche sur laquelle est posé le livre, et à côté duquel est étendue Sencha, une chatte tigrée noir & blanc.


 

Pour des avis plus fréquents sur mes lectures, je vous invite à aller faire un tour sur mon compte Instagram (il n’est pas obligatoire de s’inscrire) : https://www.instagram.com/mariebreta/.


Qu'avez-vous lu en mai?

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